médicament | Child A | Child B | Child C |
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Codéine | Absence de données* | Absence de données* | Absence de données* |
Fentanyl (timbre cutané) | Utiliser avec précaution, initier à faible dose et titrer lentement | Utiliser avec précaution, initier à faible dose et titrer lentement | Non recommandé |
Hydromorphone | Utiliser avec précaution, initier à faible dose et titrer lentement | Utiliser avec précaution, initier à faible dose et titrer lentement | Absence de données** |
Méthadone | Sécuritaire | Sécuritaire | Utiliser avec précaution, initier à faible dose et titrer lentement |
Morphine | Utiliser avec précaution, initier à faible dose et titrer lentement | Utiliser avec précaution, initier à faible dose et titrer lentement | Utiliser avec précaution, initier à faible dose et titrer lentement |
Oxycodone | Utiliser avec précaution, initier à faible dose et titrer lentement | Utiliser avec précaution, initier à faible dose et titrer lentement | Absence de données |
*La codéine est un promédicament. Son efficacité thérapeutique pourrait être théoriquement réduite et imprévisible en présence de cirrhose. Son utilisation chez la population souffrant d’insuffisance hépatique devrait être évitée.
**Malgré une absence de données concernant l’utilisation de l’hydromorphone chez les patients atteints d’une cirrhose de stage Child-Pugh C, notre expérience locale est rassurante concernant son utilisation chez les patients dans ce contexte. Son usage devrait donc être considéré dans cette situation.
Prévalence d’utilisation des opioïdes chez les cirrhotiques
Les opioïdes sont des agents analgésiques dont l’utilisation ne cesse d’augmenter depuis quelques années chez la population en générale, et la population cirrhotique n’en fait pas exception. En effet, la douleur chez la population cirrhotique est fréquente et son approche pharmacologique difficile à gérer. Par ailleurs, l’utilisation plus fréquente des opioïdes chez la population cirrhotique pourrait aussi s’expliquer par la tendance des cliniciens à éviter certaines molécules de première ligne de traitement de la douleur chronique comme les AINS ou encore l'acétaminophène. (Moon 2020) (Kling 2019) (Shari 2013)
En effet, selon les statistiques les plus à jour de l’Institut canadien d’information sur la santé, on voit bien que le mésusage des opioïdes, que ce soit sous prescription ou non, entraîne des effets indésirables souvent évitables mais délétères et pouvant nécessiter une hospitalisation. En effet, entre janvier 2016 et mars 2020, on a compté près 20 500 hospitalisations pour intoxication aux opioïdes au Canada (excluant le Québec). De plus, entre janvier et mars 2020, un plus de 1 000 hospitalisations ont été enregistrés pour cette même raison, dont 64 % étaient de causes accidentelles et 31 % des patients impliqués étaient agés de plus de 65 ans, d’où l’importance d’utiliser prudemment ces molécules en tenant compte, notamment, de la fonction hépatique des patients. (Statistique Canada 2020)
De plus, on sait qu’un foie cirrhotique peut engendrer un déséquilibre dans la modulation des médiateurs inflammatoires et induire un état pro-inflammatoire. Cela aurait comme conséquence une exacerbation des douleurs non hépatiques préexistantes, voire même provoquer de nouvelles douleurs chroniques comme la douleur abdominale ou encore celle plus généralisée (un syndrome similaire à celui de fibromyalgie). (Klinge 2019)
Gestion de la douleur en cirrhose
Le traitement de la douleur chronique peut parfois être un défi de taille, étant donné la grande variabilité interindividuelle quant à la réponse au traitement. Selon les différentes lignes directrices, l’utilisation d’une thérapie non pharmacologique et pharmacologique exempt d’opioïdes devrait être privilégiée en première ligne de traitement. (National pain center 2017) (MSSS 2014) (CDC 2016)
En effet, les dangers quant à l’utilisation des opioïdes dans la population générale sont bien documentés et leur incidence pourrait être augmentée dans le contexte de la cirrhose. Parmi ceux-ci, on retrouve le risque de dépendance, qui peut être plus inquiétant chez une partie de la population cirrhotique, étant donné la prévalence plus élevée d’antécédents de toxicomanie chez cette population. (Klinge 2019)
Ainsi, si l’utilisation d’un opioïde en contexte de cirrhose est nécessaire, il faudra faire preuve de prudence et considérer plusieurs facteurs, dont les caractéristiques du patient, tout en limitant les facteurs de risque de dépendance comme la durée de traitement et la quantité de comprimés prescrits. Par ailleurs, l’évaluation de la nécessité de prescrire une trousse de naloxone devrait être effectuée pour chaque patient particulièrement ceux avec des antécédents de toxicomanie. Les recommandations quant à l’utilisation des opioïdes abordés dans cette fiche sont présentées ci-dessous.
Encéphalopathie hépatique liée à l’utilisation des opioïdes
L’encéphalopathie hépatique (EH) est l’une des complications les plus fréquentes chez les patients cirrhotiques. On estime que jusqu’à 45 % des patients cirrhotiques peuvent en être atteints. Malheureusement, il s’agit aussi de l’un des inconvénients les plus fréquemment rapportés avec la prise d’opioïdes chez cette population. En effet, leur utilisation peut exacerber ou précipiter un épisode d’EH. Les hypothèses proposées pour expliquer ce phénomène sont, entre-autres, le ralentissement du transit intestinal, un déséquilibre dans la flore intestinale et une activité sédative connue de cette classe médicamenteuse. (Moon 2020)(Acharya 2016) (Elwir 2017)
À cet effet, une étude de cohorte rétrospective incluant 6451 patients cirrhotiques (pas d'opioïdes (n = 4645), opioïdes à court terme (n = 1505 ) et opioïdes chroniques (n = 301)) s’est penchée sur le sujet. Les patients étaient âgés entre 18 et 64 ans, tous présentaient une cirrhose compensée depuis au moins une année sans antécédent de greffe hépatique. Les chercheurs en sont venus à la conclusion que l’utilisation chronique (≥ 90 jours) ou à court terme (< 90 jours) augmente le risque de développer de l’EH et ce, même chez les jeunes patients. Plusieurs limites peuvent être identifiées dans la méthodologie de cette étude, à commencer par l’absence de données quant à la classe Child-Pugh des patients. Par conséquent, on ne pouvait comparer la gravité de la cirrhose entre les deux groupes ayant reçu des opioïdes et le groupe contrôle. De plus, on ne connaissait pas les indications pour lesquelles les patients recevaient les opioïdes (ex: Chirurgie) et qui, dans certains cas, pourraient constituer un biais de confusion. Aussi, l’étude étant basée sur des données provenant d’une banque de données de plusieurs compagnies d’assurances privés, le diagnostic était basé sur des codes de soins spécifiques à l’EH et/ou la prescription de lactulose ou rifaximine. Or, il est possible que le lactulose ait été prescrit à certains patients non pas pour le traitement d’EH, mais pour traiter la constipation causée par les opioïdes, menant à une surestimation de l’effet observé. (Moon 2020)
Une autre étude de cohorte rétrospective incluant 166 192 patients cirrhotiques inscrits au régime public d’assurance santé américain. Encore une fois, les données étant tirées d’une base de données d’un régime d’assurance, le score Child-Pugh des patients ne pouvait pas être déterminé. Par ailleurs, l’objectif principal de l’étude était de déterminer un lien de causalité entre l’EH et la prise de certains médicaments, parmi lesquels figuraient les opioïdes. La population à l’étude étant relativement âgée (médiane de 65 ans), plusieurs biais de confusion pouvaient faussement renforcer ce lien de causalité. Pour éviter cela, malgré le le peu de données cliniques dont ils disposaient, les auteurs ont tenté d’ajuster les rapports de cotes (odds ratio) selon certains facteurs de risque de l’EH, notamment l’âge ou l’usage de certains médicaments (médicaments psychoactifs, pouvant augmenter le risque d’EH, diurétiques ou bêta-bloquants). Les auteurs concluent que l’usage d'opioïdes chez les patients cirrhotiques augmente le risque de développement d’EH, sans pour autant augmenter le risque d’hospitalisation dû à cette complication. Encore une fois plusieurs données cliniques sont manquantes dans cette étude, ainsi, la méthode diagnostic de l’EH n’était basé sur aucune donnée clinique. (Eliot 2019)
En conclusion, le risque accru d’EH avec la prise d’opioïdes est bien documenté dans la littérature. Cependant, les données disponibles sont limitées. Une étude prospective randomisée contrôlée permettrait de mieux décrire ce lien de causalité. Ainsi, lorsque l’initiation d’un opioïde est nécessaire chez un patient cirrhotique avec antécédent d’EH, celle-ci devrait se faire à de faibles doses et un suivi de la fréquence des selles devrait être effectué régulièrement. (Klinge 2019)
Absorption |
Micromedex
Insuffisance hépatiqueAbsence de données |
Distribution |
Micromedex
Insuffisance hépatiqueAbsence de données |
Métabolisme |
Micromedex
Insuffisance hépatiqueAbsence de données |
Élimination |
Micromedex
Insuffisance hépatiqueAbsence de données |
Recommandations de la monographie |
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On doit administrer la codéine avec prudence et réduire la dose initiale. |
La codéine est un promédicament; elle subit une bioactivation via le CYP450 2D6 pour devenir de la morphine (10 %) et éventuellement de la Morphine-6-glucuronide (M6G) (60 %) via les glucuronosyltransferase (UGT). Ce sont ces 2 métabolites qui procurent l’effet analgésique de la codéine. Il est donc raisonnable de s’attendre à ce que l’efficacité de cette molécule dépende directement de l’activité enzymatique du CYP450 2D6. Or, on sait d’emblée qu’il existe un polymorphisme au niveau de cette enzyme, faisant en sorte que certains patients soient des métaboliseurs lents alors que d’autres sont des métaboliseurs ultra rapides, rendant l’effet du médicament très variable. La codéine, ayant peu d’affinité pour les récepteurs aux opioïdes mu (µ), doit être métabolisée pour procurer une activité analgésique. Ainsi, une altération de l’activité enzymatique causerait une diminution de la bioactivation de la codéine et, par conséquent, un possible échec au traitement. (Tegeder 1999)
Actuellement, aucune étude clinique ou pharmacocinétique évaluant l’utilisation de codéine en cirrhose n’a pu être identifiée dans la littérature. Ainsi, étant donné ce manque de données et sachant que l’activité oxydative du CYP450 2D6 est diminuée chez les patients cirrhotiques, il est préférable de privilégier une molécule alternative chez cette population. (Bosilkovska 2012) (Rakoski 2018) (Chandok 2010) (Magdi 2011) (Tegeder 1999)
Absorption |
Micromedex
Monographie fentanyl transdermique
Insuffisance hépatique
Timbre cutané de 50 mcg/h (Monographie)
Données d’ASC tirées d’un modèle de prédiction (Monographie) :
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Distribution |
Micromedex
Insuffisance hépatiqueAbsence de données |
Métabolisme |
Micromedex
Insuffisance hépatiqueAbsence de données |
Élimination |
Micromedex
Élimination rénale 75 % (10 % sous forme inchangée)
Insuffisance hépatique
Timbre de 50 mcg/h pendant 72 h (Monographie)
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Recommandations de la monographie |
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Le fentanyl transdermique doit être débuté avec la moitié de la dose habituelle chez les patients avec une insuffisance hépatique légère à modérée et doit être évité en insuffisance hépatique sévère. |
Les paramètres pharmacocinétiques du fentanyl transdermique ont été évalués par le fabricant dans une étude contrôlée avec 9 patients cirrhotiques et 8 patients dans le groupe contrôle. Les résultats n’ont pas montré de variation du Tmax ni du temps de demi-vie. Par contre, le Cmax et l’ASC étaient augmentés d’environ 35 % et 73 % respectivement. Ensuite, en employant un modèle de prédictions pharmacocinétiques, les chercheurs ont estimé que l’ASC chez les patients avec cirrhose modérée et sévère serait de 1,36 et 3,72 fois plus grande respectivement que chez les patients dont la fonction hépatique serait normale, nous laissant supposer que les patients cirrhotiques recrutés initialement présentaient une cirrhose légère.
Une étude de Haberer et collaborateurs a évalué les paramètres pharmacocinétiques du fentanyl en injection intraveineuse avec une dose unique de 5 mcg/kg chez 21 patients en contexte opératoire. Parmi ces patients, 8 avaient une cirrhose compensée (score Child-Pugh non précisé) et 13 patients composaient le groupe contrôle avec des fonctions hépatiques et rénales normales. Malgré une légère tendance à l’augmentation chez le groupe cirrhotique, aucune différence significative n’a été rapportée au niveau de la clairance (10,8 ± 1,2 vs 11,3 ± 1,6 ml/min/kg) ni du temps de demi-vie (263 ± 49 vs 304 ± 74 minutes). Ceci s’expliquerait notamment par le coefficient d’extraction hépatique élevé du fentanyl, ce qui rend son métabolisme hépatique principalement dépendant du débit sanguin hépatique. Ainsi, puisqu’aucun des patients à l’étude n’avait d’atteinte hépatique profonde et que tous semblaient avoir un débit hépatique préservé, les résultats de cette étude ne peuvent être extrapolés chez une population avec une cirrhose décompensée ou présentant un débit hépatique réduit. Par ailleurs, la lipophilicité de la molécule fait en sorte que cette dernière se distribue extensivement dans l’organisme et se libère très lentement des tissus adipeux, ce qui pourrait expliquer la préservation de la clairance après une dose unique chez les patients cirrhotiques de cette étude. Les effets secondaires n’étaient pas rapportés dans cette étude. (Haberer 1982) (Bosilkovska 2012)
À la vue de ces résultats, l’utilisation du fentanyl pourrait être envisagée en faisant preuve de prudence chez les patients présentant une cirrhose légère à modérée. Étant donné le profil pharmacocinétique et les altérations notées en cirrhose, les recommandations du fabricant suggérant d’initier le traitement à la moitié de la dose usuelle pour les timbres cutanés nous semble raisonnable (rappel: il n’est pas recommandé d’initier de timbre de fentanyl chez un patient naïf aux opioïdes). Quant aux patients avec cirrhose sévère, l’utilisation des timbres cutanés de fentanyl devrait être entreprise avec grande prudence, vu les altérations majeures attendues dans son métabolisme. L’utilisation de faibles doses par voie intraveineuse semble également être raisonnable, étant donné son court temps de demi-vie, la possibilité de titrer selon la réponse clinique et la présence d’un antidote. Par ailleurs, aucune étude traitant du fentanyl en bolus répétés ou en perfusion continue chez les cirrhotiques n’a été retrouvée dans la littérature. Ainsi on ne connaît pas le potentiel d’accumulation à long terme de ce médicament chez cette population. (Soleimanpour 2016)(Lewis 2013)(Chandok 2010)(Bosilkovska 2012)
Absorption |
Micromedex
Dose unique de 4 mg per os (Durnin 2001)
Insuffisance hépatique
Dose unique de 4 mg per os (Durnin 2001)
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Distribution |
Micromedex
Insuffisance hépatiqueAbsence de données |
Métabolisme |
Micromedex
Insuffisance hépatiqueAbsence de données |
Élimination |
Micromedex
CL (L/min) : 1,96 Élimination rénale : 75 % (7 % sous forme inchangée)
Dose unique de 4 mg per os (Durnin 2001)
Insuffisance hépatique
Dose unique de 4 mg per os (Durnin 2001)
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Recommandations de la monographie |
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Il convient de commencer par la plus faible dose de la gamme posologique et de l’augmenter progressivement, en cas d’altération de la fonction hépatique. L’administration d’autres analgésiques est recommandée chez les patients atteints d’insuffisance hépatique grave. Initier le traitement avec le quart ou la demie de la dose initiale habituelle de la solution pour injection selon la gravité de l’insuffisance hépatique. |
Dans l’essai clinique de Durnin et collaborateurs, la pharmacocinétique de l'hydromorphone à libération immédiate à 4 mg per os a été évaluée chez 24 patients dont 12 avaient une cirrhose modérée (Child-Pugh B) et 12 autres patients avec une fonction hépatique normale. Les résultats ont démontré une augmentation des concentrations plasmatiques chez le groupe cirrhotique, ce qui s’explique par une probable diminution du premier passage hépatique. De plus, l’ASC (11,6 ± 2,0 vs 43,2 ± 14,6 ng·hr/ml) et le Cmax (2,0 ± 1,3 vs 8,3 ± 4,2 ng/ml) ont été multipliés par 4 chez les patients cirrhotiques. Par contre, aucune différence significative n’a été rapportée avec le Tmax et le temps de demi-vie. Les auteurs concluent en recommandant d’initier l’hydromorphone à des doses réduites chez les patients atteints de cirrhose modérée. (Durnin 2001) Aucune étude n’a encore traité de la pharmacocinétique de l’hydromorphone chez les patients avec cirrhose sévère. Par ailleurs, une augmentation plus importante de l’ASC, du Cmax et du temps de demi-vie peut être attendue chez cette population, d’où la nécessité de redoubler de prudence. D’ailleurs, la monographie recommande d’éviter cette molécule en cas de cirrhose sévère. (Monographie dilaudid)
Ainsi, la pharmacocinétique de l’hydromorphone est très similaire à celle de la morphine, avec un premier passage hépatique important et un métabolisme important via glucuronidation, ce qui entraîne une augmentation significative de sa biodisponibilité et de son Cmax. Contrairement à la morphine, la clairance ne semble pas affectée chez les patients avec cirrhose modérée, quoique démontré sur un faible échantillon de patients (Durnin 2001)(Klinge 2019). Il paraît sensé de faire preuve de prudence tout de même dans la fréquence d’ajustement des doses. Les données quant à la toxicité des métabolites de l’hydromorphone trouvées dans la littérature rapportent un risque de neurotoxicité possible, mais minime par rapport à ceux de la morphine. Une utilisation de la dose la plus faible possible et/ou une augmentation de l’intervalle posologique sont recommandées en cirrhose légère à modérée. La conversion de la voie parentérale à la voie orale devrait se faire avec un ratio conservateur, pour compenser la possible augmentation de biodisponibilité.
Il est préférable d’initier la thérapie à la plus faible dose possible (0,5 à 1 mg) et choisir une fréquence d’administration plus espacée (aux 6 heures au besoin) surtout en présence de cirrhose modérée. En présence d’insuffisance hépatique sévère, son utilisation devrait se faire avec une grande précaution étant donné l’absence de données identifiées dans la littérature.
L’hydromorphone à dose faible est considérée comme une molécule de choix en insuffisance hépatique légère à modérée. (Rakoski 2018)(Klinge 2019)(Soleimanpour 2016)(Chandok 2010)(Durnin 2001) (Murray 2005)
Absorption |
Micromedex
Dose unique de 10 mg per os (Monographie)
Dose d’entretien moyenne de 63 ± 12,2 mg/jour per os (Novick 1981)
Insuffisance hépatique
Dose d’entretien moyenne de 43,8 ± 12,5 mg/jour per os (Novick 1981)
Dose d’entretien moyenne de 48 ± 9,7 mg/jour per os (Novick 1981)
Dose d’entretien moyenne de 64 ± 11,7 mg/jour per os (Novick 1981)
*Les termes légère-modérée-sévère ne réfèrent pas à la classe Child-Pugh (voir texte plus bas) |
Distribution |
Micromedex
Dose d’entretien de 67,8 ± 6,41 mg per os (Novick 1985)
Insuffisance hépatique
Dose d’entretien de 56,4 ± 7,66 mg per os (Novick 1985)
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Métabolisme |
Micromedex
Insuffisance hépatiqueAbsence de données |
Élimination |
Micromedex
Dose unique de 10 mg per os (Monographie)
Dose d’entretien moyenne de 63 ± 12,2 mg/jour per os (Novick 1981)
Insuffisance hépatique
Dose d’entretien moyenne de 43,8 ± 12,5 mg/jour per os (Novick 1981)
Dose d’entretien moyenne de 48 ± 9,7 mg/jour per os (Novick 1981)
Dose d’entretien moyenne de 64 ±11,7 mg/jour per os (Novick 1981)
*Les termes légère-modérée-sévère ne réfèrent pas à la classe (voir texte plus bas) |
Recommandations de la monographie |
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La méthadone doit être administrée avec prudence en réduisant la dose de départ chez les patient atteints d’insuffisance hépatique. |
Dans l’essai clinique de Novick et collaborateurs, la pharmacocinétique de la méthadone en traitement d’entretien pour la dépendance aux opioïdes a été évaluée chez 14 patients cirrhotiques (le score Child-Pugh n’était pas clairement indiqué) et 5 patients sains. Les patients étaient tous sous méthadone depuis au moins 2 ans à des doses de 25 à 100 mg par jour et tous, sauf les patients du groupe contrôle, avaient un historique d’abus de consommation d’alcool. Les 14 patients cirrhotiques étaient répartis dans 3 groupes dépendamment de la gravité de leur cirrhose. Les résultats ont montré une augmentation significative du temps de demi-vie uniquement dans le groupe avec la cirrhose la plus sévère (composé de 5 patients) par rapport au groupe contrôle (p<0,01) et aux deux autres groupes de cirrhotiques (p<0,01). Aucun autre paramètre de pharmacocinétique, dont l’ASC et la concentration plasmatique moyenne (tous ajustées selon la dose), n’a subi d'altération significative par rapport au groupe contrôle. Aucun des patients n’a ressenti de symptômes de sevrage ou de surdosage à la méthadone lors de cette étude. Par ailleurs, la méthadone se distingue des autres opiacés par sa très grande distribution tissulaire, menant à l’accumulation d’une grande quantité du médicament pouvant être libérée lorsque le traitement est cessé. En effet, cela permet de prolonger la durée d’action malgré une faible concentration plasmatique. Or, ce mécanisme pourrait être altéré en cirrhose. N’étant pas adéquatement mesuré dans le calcul du temps de demi-vie, les auteurs proposent l’ASC comme meilleur paramètre de suivi pour la pharmacocinétique de la méthadone. En conclusion, étant donné les paramètres pharmacocinétiques relativement similaires avec le groupe contrôle, les auteurs ne recommandent pas d’ajustement de dose de la méthadone en cirrhose légère à modérée. Par ailleurs, ils rapportent aussi qu’aucun ajustement ne devrait être nécessaire en cirrhose sévère, particulièrement si le patient était sous méthadone avant que sa cirrhose ne progresse (effet de tolérance avec le temps). (Novick 1981)
Dans un autre essai clinique du même auteur cité précédemment, la pharmacocinétique de la méthadone a encore une fois été étudiée mais cette fois-ci chez des patients alcooliques. L’étude comprenait 20 patients dont 11 avec cirrhose alcoolique sévère (Child-Pugh inconnu) et 9 non cirrhotiques mais connus pour alcoolisme chronique. La plupart de ces patients recevaient la méthadone depuis déjà plusieurs années et à des doses de maintien variant de 20 à 90 mg (per os) par jour. Les résultats de cette étude suggèrent une altération minime de la pharmacocinétique de la méthadone, avec une ASC similaire entre les deux groupes et une augmentation non significative du volume de distribution chez les patients cirrhotiques. Le Cmax quant à lui était significativement plus faible chez les cirrhotiques alors que le temps de demi-vie a augmenté chez ces derniers. Les changements de ces deux derniers paramètres pourraient s’expliquer par une combinaison de différents facteurs indépendamment de la clairance (qui, elle, semble préservée). Ces facteurs pourraient être :un volume de distribution plus grand, un stockage extra-hépatique accru, une capacité réduite du foie à stocker et relarguer lentement la méthadone (plus grande quantité du médicament sera livrée aux sites oxydatifs du foie) et une excrétion sous forme inchangée plus importante. Ainsi, le temps de demi-vie de la méthadone étant dépendant de plusieurs facteurs pouvant être altérés en cirrhose, les auteurs proposent la clairance et l’ASC comme paramètres reflétant le mieux l’élimination de ce médicament. Cependant, il existe un biais de sélection important dans cette étude. En effet, bien que les patients du groupe contrôle avaient tous des valeurs de laboratoire de la fonction hépatique normales, il ne faut pas oublier que ce sont des patients connus pour alcoolisme chronique. Ces patients n’avaient donc pas forcément une fonction hépatique normale (car un bilan hépatique normal n’exclut pas la présence de cirrhose légère compensée), ce qui pourrait avoir sous-estimé la différence des changements observés entre les deux groupes comparé à une population saine non alcoolique. Malgré cela, les auteurs concluent que les changements pharmacocinétiques ne sont pas assez importants pour nécessiter un ajustement de dose chez les patients cirrhotiques et ce, même en cirrhose sévère. Aucun patient n’a présenté de signes ou symptômes de surdose à la méthadone lors de cette étude. (Novick 1985)
En conclusion, la dose de méthadone en traitement de maintien pour le traitement de la dépendance aux opioïdes n’a pas besoin d’être ajustée en présence d’une cirrhose légère à modérée. En présence d’une cirrhose sévère, son utilisation devrait se faire avec prudence et il est préférable de la titrer plus lentement. (Chandok 2010) (Magdi 2010) (Bosilkovaska 2012) (Lewis 2013 ) (Soleimanpour 2016) (Klinge 2018) (Rakoski 2018)
Absorption |
Micromedex
Tmax (h) :
Dose unique de 15 mg per os Morphine 12h (Monographie)
Insuffisance hépatique
Dose unique de 10 mg per os (Hasselstrom 1990)
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Distribution |
Micromedex
Dose unique de 4 mg I.V. (Hasselstrom 1990)
Insuffisance hépatique
Dose unique de 4 mg I.V. (Hasselstrom 1990)
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Métabolisme |
Micromedex
Insuffisance hépatiqueMétabolisme extra-hépatique plus important, soit 30 % au lieu de 10 % chez la population saine. (Crotty 1989) |
Élimination |
Monographie
Dose unique de 4 mg I.V. (Säwe 1985)
Insuffisance hépatique
Dose unique de 4 mg I.V. (Hasselstrom 1990)
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Recommandations de la monographie |
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La morphine (sous toutes ses formulations) doit être administrée avec précaution, et à de faibles doses, aux patients dont la fonction hépatique est réduite. |
Dans l’étude de Mazoit et collaborateurs, la pharmacocinétique de l'hydrochlorure de morphine IV à 0,1 mg/kg (soit 0,076 mg/kg de base de morphine) a été évaluée chez 8 patients atteints de cirrhose alcoolique (Child-Pugh inconnu) et 6 patients non cirrhotiques. La différence d’âge et de poids des patients des deux groupes était non significative. Les patients cirrhotiques, quant à eux, avaient un temps de prothrombine à 50 % de la normale, une albumine sérique moyenne de 2,8 g/dL et une bilirubine moyenne sérique de 2,6 mg/dL. Aucun des patients ne présentait d’ascite. Les auteurs ont démontré une augmentation significative de l’ASC (4028 ± 1475 vs 2484 ± 937 ng/ml·min), du temps de demi-vie (201 ± 39 vs 111 ± 32 min) et une diminution de la clairance (21 ± 7,5 vs 33,6 ± 9 ml/min·kg). Par contre, le volume de distribution n’était pas significativement changé, ce qui pourrait s’expliquer par la liaison protéique plutôt modérée de la morphine. Les auteurs recommandent d’augmenter l’intervalle posologique de 1,5 à 2 fois pour éviter une accumulation du médicament et ses métabolites (surtout le M3G) qui pourrait accroître le risque d’effets indésirables. Le score Child-Pugh des patients et les effets indésirables n’étaient pas rapportés dans cette étude. (Mazoit 1987)
Une autre étude a évalué le métabolisme et la biodisponibilité de l’hydrochlorure de morphine chez 8 patients cirrhotiques (1 Child A, 2 Child B et 5 Child C) avec une dose de 10 mg per os et 4 mg intraveineuse. Tous les patients cirrhotiques avaient un antécédent d’EH, 6 d’entre eux présentaient soit de l’ascite et/ou de l'hypoalbuminémie et 2 d’entre eux avaient des varices oesophagiennes. Le groupe contrôle provenait d’une étude antérieure et était composé de 6 patients non cirrhotique avec des fonctions hépatiques et rénales normales. (Säwe 1985) Le profil pharmacocinétique de la dose intraveineuse a montré un temps de demi-vie de la morphine presque 3 fois plus grand (4,2 ± 0,2 h vs 1,7 ± 0,3 h, p<0,01) et une clairance près de 2 fois plus faible chez la population cirrhotique (11,4 ± 1,3 vs 28,0 ± 2,3 ml/min·kg, p<0,01) en comparaison au groupe de patients non cirrhotiques. Le volume de distribution, quant à lui, n'était pas significativement différent entre les deux groupes. En ce qui a trait à la dose donnée par voie orale, on a rapporté une augmentation significative de la biodisponibilité (101 ± 16,4 % vs 47 ± 5,8 %, p<0,01) et du temps de demi-vie (5,5 ± 0,8 h vs 3,3 ± 0,6 h, p<0,05) chez les patients cirrhotiques. Les chercheurs ont aussi suivi les concentrations des deux principaux métabolites de la morphine, soit le M3G (métabolite toxique) et le M6G (métabolite actif). Pour ce faire, ils ont utilisé des ratios de concentration des métabolites par rapport à l’air sous la courbe de la morphine (AsC-M). Parmi les patients cirrhotique, le ratio M3G/AsC-M était similaire après une administration orale ou I.V. de la morphine mais était bien plus élevé chez le groupe contrôle après une dose orale. Aucune différence significative n’a par contre été rapportée avec le M6G. Par ailleurs, les effets indésirables les plus rapportés dans le groupe cirrhotique étaient des nausées et de la confusion. Les 6 patients cirrhotiques ont eu un suivi d’EEG post dose I.V. et aucun d’entre eux n’a eu de changements significatifs typiques qui pourraient suggérer l’apparition d’EH. En conclusion, les auteurs recommandent d’initier la morphine à des doses plus faibles chez les patients cirrhotiques, particulièrement si la voie orale est utilisée (étant donné la biodisponibilité plus élevée). (Hasselstrom 1990)
La présence d’une plus grande quantité du métabolite M3G chez la population saine (dose orale) et l'augmentation de biodisponibilité chez les patients cirrhotiques pourraient s’expliquer par un effet de premier passage hépatique plus faible chez ce groupe comparativement au groupe contrôle. En effet, l'étude de Crotty et collaborateur a également déterminé que le coefficient d’extraction hépatique de la morphine avait diminué de 30 % chez la population cirrhotique. L’étude comprenait 8 patients sains et 8 patients cirrhotiques avec des antécédents de saignement de varices, dont 4 étaient sous propranolol pour la prévention de rupture de varices (oesophagiennes ou gastriques). Par ailleurs, en plus d’une diminution du coefficient d’extraction, l’étude suggère un métabolisme extra-hépatique (dans l’intestin et les reins) plus important chez les patients cirrhotiques, ce qui suggère une glucuronidation extra-hépatique compensatoire en présence de cirrhose (10 % chez la population saine comparativement à 33 % en présence de cirrhose). Par contre, aucune différence statistiquement significative n’a été démontrée au niveau du flot sanguin hépatique (malgré une diminution de près de 50 % de la clairance à “l’indocyanine green test” (ICG)) ou au niveau de la clairance, malgré une diminution de 30 % de cette dernière chez le groupe cirrhotique. Étant donnée le maintien du flot sanguin hépatique chez les cirrhotiques, les auteurs mentionnent que la diminution de la clairance de la morphine pourrait s’expliquer par une diminution de l’activité enzymatique ou encore par une déviation de la circulation sanguine hépatique (shunt). Le score Child-Pugh des patients et les effets indésirables n’étaient pas rapportés dans cette étude. (Crotty 1989) Ainsi, étant donné l’augmentation significative de la biodisponibilité de la morphine, il faudrait faire preuve de grande prudence lors du passage d’une voie parentérale à la voie per os. En effet, il se pourrait que les équivalences de dose soient inférieures à ce qui est recommandé chez une population saine (Magdi 2011)
Les changements du profil pharmacocinétique de la morphine en cirrhose pourraient s’expliquer par plusieurs mécanismes, dont une diminution du flot sanguin hépatique, par une dérivation de circulation sanguine (shunt hépatique), ou encore une diminution de l’activité métabolique du foie. En effet, une diminution de la glucuronidation, une voie d’élimination généralement préservée en maladie hépatique, est possible dans un stade plus avancé de la cirrhose. Le mécanisme exact est toutefois inconnu et reste tributaire de la sévérité de la maladie hépatique. (Hoyumpa 1991)
Ainsi, l’utilisation de la morphine devrait se faire avec précaution chez les patients cirrhotiques. Il est préférable d’initier la thérapie à la plus faible dose possible (2,5 à 5 mg) et choisir une fréquence d’administration plus espacée (aux 6 heures au besoin), surtout dans les cas où la maladie hépatique est sévère. Par ailleurs, la formulation courte action est toujours préférable à une formulation prolongée en présence d’insuffisance hépatique. (Rakoski 2018) (Klinge 2019) (Soleimanpour 2016) (Lewis 2013)
Absorption |
Micromedex
Dose unique de 10 mg per os libération prolongée (Malhotra 2015)
Insuffisance hépatique
Dose unique de 10 mg per os libération prolongée (Malhotra 2015)
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Distribution |
Micromedex
Insuffisance hépatiqueAbsence de données |
Métabolisme |
Métabolisme hépatique
Insuffisance hépatiqueAbsence de données |
Élimination |
Micromedex
Dose unique de 10 mg per os libération prolongée (Malhotra 2015)
Élimination rénale (jusqu’à 19 % sous forme inchangée, 50 % sous forme d’oxycodone conjuguée et ≤ 14 % sous forme d’oxymorphone conjugué, 23% noroxycodone libre, 14% de noroxymorphone conjuguée ou libre) Insuffisance hépatique
Dose unique de 10 mg per os libération prolongée (Malhotra 2015)
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Recommandations de la monographie |
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L’oxycodone doit être prescrit avec prudence aux patients présentant tout degré d’insuffisance hépatique. Chez ces patients, amorcer le traitement à dose réduite, puis ajuster la dose avec soin. |
Dans l’essai clinique de Malhotra et collaborateurs, la pharmacocinétique de 10 mg d’oxycodone à libération prolongée per os a été évaluée chez 18 patients dont 12 étaient atteints de cirrhose légère à modérée (6 Child A et 6 Child B). Les résultats ont démontré une augmentation significative de l’ASC et du Cmax, qui ont doublés chez les cirrhotiques. Les auteurs recommandent d’initier l’oxycodone à des doses réduites chez les patients atteints de cirrhose légère à modérée. (Malhotra 2015)
Par ailleurs, un modèle statistique a été développé par Steelandt et collaborateurs dans le but de prédire, à l’aide de formules mathématiques et d’une revue de littérature, l'exposition à plusieurs médicaments, dont l’oxycodone, chez les patients cirrhotiques, selon la classification Child-Pugh. Les auteurs prévoient qu’une augmentation de l’ASC de l’oxycodone de 2 et 3,5 fois chez les cirrhotiques Child-Pugh de A et B, respectivement, était prévisible. Par contre, la précision du modèle quant à la variation de l’ASC en cirrhose sévère (Child-Pugh C) étant faible, les auteurs ne recommandent pas son utilisation chez cette population. (Steelandt 2015)
La monographie de l’oxycodone à libération prolongée rapporte une augmentation des Cmax de 50 % pour l’oxycodone et 20 % pour la noroxycodone chez les patients avec cirrhose légère à modérée. L’ASC de l’oxycodone et la noroxycodone ont aussi été significativement augmentées de 95 % et 75 % respectivement. Par contre, une diminution du Cmax et ASC de l’oxymorphone (le métabolite dont l’activité analgésique est la plus importante) a été rapportée et étaient respectivement de 15 et 50 % plus faibles. Le temps de demi-vie de l’oxycodone quant à lui, a été augmenté de 2,3 h par rapport au groupe contrôle. (monographie oxycodone CR)
L’oxycodone est métabolisé par le CYP P450 2D6 en oxymorphone. Son activité analgésique dépend à la fois de la molécule mère et du métabolite actif (oxymorphone). Tout comme la codéine, on peut donc s’attendre à ce que l’efficacité de cette molécule dépende en partie de l’activité enzymatique, générant le métabolite actif. En plus du polymorphisme génétique connu pour cette voie métabolique, la cirrhose pourrait s’ajouter comme facteur additionnel rendant l’activité analgésique de cette molécule d’autant plus imprévisible. Ainsi, certaines références recommandent d’éviter cette molécule en cirrhose dû à son efficacité et son innocuité imprévisible en cirrhose. Par contre, contrairement à la codéine, l'oxycodone, comme molécule mère, possède un effet analgésique, ce qui aiderait à préserver son efficacité, malgré la diminution de son métabolisme.
De ce fait, son utilisation devrait se faire avec précaution chez les patients présentant une insuffisance hépatique légère à modérée. Il est préférable d’initier la thérapie à la plus faible dose possible (2,5 à 5 mg) et choisir une fréquence d’administration plus espacée (aux 6 heures au besoin). En présence de cirrhose sévère, son utilisation n’est pas recommandée.(Chandok 2010) (Magdi 2010) (Bosilkovaska 2012) (Lewis 2013) (Soleimanpour 2016) (Klinge 2018) (Rakoski 2018)