médicament | Child A | Child B | Child C |
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Desvenlafaxine | Sécuritaire | Sécuritaire, initier à faible dose | Sécuritaire, initier à faible dose |
Duloxétine | Absence de données | Non recommandé | Non recommandé |
Lévomilnacipran | Sécuritaire | Sécuritaire | Sécuritaire, initier à faible dose |
Venlafaxine | Utiliser avec précaution, initier à faible dose et titrer lentement | Utiliser avec précaution, initier à faible dose et titrer lentement | Absence de données |
Les symptômes usuels de dépression peuvent à l’occasion être une manifestation atypique de l’encéphalopathie hépatique chez le patient cirrhotique. Il est toutefois important pour le médecin traitant de faire la distinction entre ces deux pathologies. Pour un patient souffrant d’encéphalopathie hépatique chez qui on désire débuter un antidépresseurs, les signes et symptômes de cette pathologie doivent être surveillés de près. L’utilisation de molécules avec des propriétés sédatives peut causer une exacerbation de cette condition. (Mullish 2014)
Le risque de saignement peut sembler inquiétant chez les patients cirrhotiques avec l’utilisation des IRSN, étant donné qu’on sait qu’ils doublent le risque d’hémorragie gastro-intestinale. (Mullish 2014) Toutefois, le risque de saignement chez les patients cirrhotique recevant ces molécules ne semble pas être augmenté, sauf lors de la prise concomitante d’antiplaquettaires. (Weinrieb 2003)
Les patients cirrhotiques sont aussi plus à risque de cardiomyopathie et d’anomalies de l’ECG. Selon des estimations, 47 % des patients cirrhotiques auraient un intervalle QT allongé et cette prévalence augmente avec le stade de malade. L’utilisation de certains IRSN peut contribuer à ce risque. (Bernardi 1998, Bernardi 2012) L’utilisation de ces molécules chez cette population devrait se faire avec un suivi de l’ECG, particulièrement si le patient est connu pour une arythmie cardiaque ou présente d’autres facteurs de risque de torsades de pointes (bradycardie, désordres électrolytiques, utilisation de diurétiques, etc). (Bernardi et al 2012)
L’utilisation d’antidépresseurs a été associé à un risque augmenté d’hyponatrémie.(Leth-Møller 2016) L’hyponatrémie est très fréquente chez les patients souffrant de cirrhose. (John 2015) Un suivi plus serré du sodium pourrait être suggéré chez cette population lors de l’initiation d’IRSN.
Absorption |
Comprimés à libération prolongée :
Dose unique de 100 mg per os (Baird 2013) Insuffisance hépatiqueDose unique de 100 mg per os (Baird 2013):
Child A :
Child B :
Child C : |
Distribution |
Liaison protéique : 30%
Dose unique de 100 mg per os (Baird 2013) Insuffisance hépatique
Dose unique de 100 mg per os (Baird 2013) |
Métabolisme |
Métabolisme hépatique Insuffisance hépatiqueAbsence de données |
Élimination |
Dose unique de 100 mg per os (Baird 2013) Élimination rénale (45 % sous forme inchangée, 19 % sous forme de glucuronide et moins de 5 % sous forme de N,O-didéméthylvenlafaxine) Insuffisance hépatiqueDose unique de 100 mg per os (Baird 2013)
Child A :
Child B :
Child C : |
Recommandations de la monographie |
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Il n’est pas nécessaire d’ajuster la posologie chez les patients atteints d’insuffisance hépatique. |
Dans l’étude de Baird et collaborateurs, les paramètres pharmacocinétiques de la desvenlafaxine ont été étudiés chez 24 patients cirrhotiques (8 Child-Pugh A, 8 Child-Pugh B et 8 Child-Pugh C) et 12 patients sains. Une dose de 100 mg de l’antidépresseur a été administrée à tous les patients. Il n’y a pas eu de différence statistiquement significative détectée entre les patients sains et les patients cirrhotiques pour la Cmax (augmentation de 25 % pour Child A, 14 % pour Child B et 19 % pour Child C), l’ASC (augmentation de 2 % pour Child A, 31 % pour Child B et 35 % pour Child C) et la clairance du médicament (pas de différence pour Child A, diminution de 20,4 % pour Child B et 35,5 % pour Child C). Les effets secondaires les plus rapportés dans le cadre de l’étude étaient des nausées et des vomissements qui n’étaient pas particulièrement plus fréquents en présence de cirrhose. Bien que les altérations pharmacocinétiques n’étaient pas statistiquement significatives, il n’est pas clair si elles sont cliniquement significatives. (Baird 2013)
Aucune donnée sur l’utilisation à long terme de la desvenlafaxine a été retrouvée dans la littérature.
L’utilisation de la desvenlafaxine semble être sécuritaire en présence de cirrhose légère. Des altérations potentiellement significatives apparaissent lorsque les patients présentent une cirrhose modérée à sévère. Dans ces cas, la desvenlafaxine devrait être initiée à dose réduite.
Absorption |
Capsules entériques :
Doses multiples de 60 mg per os (monographie)
Dose unique de 20 mg per os (Suri 2004) Insuffisance hépatique
Dose unique de 20 mg per os (Suri 2004): |
Distribution | VD (L) : 1640
Dose unique de 20 mg per os (Suri 2004) Liaison protéique : > 90 % Insuffisance hépatique
Dose unique de 20 mg per os (Suri 2004) |
Métabolisme |
Métabolisme hépatique extensif
Clairance totale (Suri 2004) Insuffisance hépatique
Clairance totale (Suri 2004) |
Élimination |
t1/2 (h) : 12,1 (monographie)
Excrété dans les selles à 19 % Insuffisance hépatique
Child B : |
Recommandations de la monographie |
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La duloxétine est contre-indiqué chez les patients atteints d'une maladie du foie entraînant une insuffisance hépatique. |
Dans l’étude de Suri et collaborateurs, une dose de duloxétine 20 mg a été administré à 6 patients souffrant de cirrhose modérée (Child-Pugh B) et 6 patients sains afin de comparer la pharmacocinétique. Une augmentation importante de l’aire sous la courbe (775 vs 268 ng·h/ml) et de la demi-vie de la molécule (47,8 vs 13,5 h) a été observée. La clairance était diminuée de 5 fois en présence de cirrhose. Il faut mentionner qu’un des participants (sujet sain) était un métabolisateur lent du CYP2D6 et a été exclu de l’analyse statistique. Il n’y a pas eu plus d’effets secondaires chez les patients avec un problème hépatique. Des nausées, des vomissements, des étourdissements et des diarrhées ont été rapportés dans les deux groupes. Les auteurs concluent leur étude en mentionnant que la dose initiale de la duloxétine devrait être diminuée ou que la fréquence d’administration devrait être plus espacée. (Suri 2004)
Étant donné qu’une altération très importante des paramètres pharmacocinétiques est observée en présence d’insuffisance hépatique, la duloxétine devrait être évitée en présence de cirrhose modérée. La même recommandation est applicable pour la cirrhose sévère. L’étude de Suri et collaborateur se faisant avec une seule dose du médicament, il est probable que l’accumulation devienne encore plus importante en l’utilisant à long terme. Nous n’avons pas trouvé de littérature sur la duloxétine en présence de cirrhose légère.
Absorption |
Capsules à libération prolongée
Dose unique de 40 mg per os (Chen 2014) Insuffisance hépatiqueDose unique de 40 mg per os (Chen 2014)
Child A :
Child B :
Child C : |
Distribution |
Liaison protéique : 22 %
Dose unique de 40 mg per os (Chen 2014) Insuffisance hépatique
Dose unique de 40 mg per os (Chen 2014) |
Métabolisme | Voies métaboliques : 3A4 (majeur), 2C8, 2C19, 2D6 et 2J2 (mineur) Métabolites actifs : oui Clairance totale (L/h) : 21 à 29 Dose unique de 40 mg per os (Chen 2014) Clairance totale (L/h) : 24,3 Insuffisance hépatique
Dose unique de 40 mg per os (Chen 2014) |
Élimination | t1/2 (h) : 12 Dose unique de 40 mg per os (Chen 2014) t1/2 (h) : 15,6 Élimination principalement rénale (environ 58 % est excrétée dans l’urine sous forme inchangé et 19 % sous forme d’un métabolite) Insuffisance hépatique
Dose unique de 40 mg per os (Chen 2014) |
Recommandations de la monographie |
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Aucune modification de la dose n’est requise en cas d’insuffisance hépatique légère, modérée ou grave. |
Dans l’étude de Chen et collaborateurs, une dose de 40 mg de lévomilnacipran a été administré à 8 patients sains et 24 patients souffrant de cirrhose (8 Child A, 8 Child B et 8 Child C). Des augmentations de la Cmax (jusqu’à 28 % dans le groupe Child C) et de l’ASC∞ (jusqu’à 32 % dans le groupe Child C) ont été observé dans l’étude. Les altérations dans les paramètres pharmacocinétiques étaient négligeables pour les patients Child A et Child B. Les effets secondaires rapportés (nausées, céphalées, somnolence, orchite, étourdissements, dysurie et hypertension) n’était pas plus fréquent dans le groupe souffrant d’insuffisance hépatique. Les auteurs concluent que la dose de lévomilnapcipran a été bien toléré dans tous les groupes de patients et qu’un ajustement de la dose ne serait pas nécessaire. Même en présence d’insuffisance hépatique sévère. (Chen 2014)
Il ne semble pas y avoir d’altération pharmacocinétique significative en présence de cirrhose légère à modérée selon la seule étude de pharmacocinétique répertoriée. Aucunes données sur l’usage à plus long terme de cette molécule chez cette population de patients n’ont été trouvées dans la littérature. L’utilisation de lévomilnacipran semble être sécuritaire dans tous les stades de cirrhose. Chez les patients avec une insuffisance hépatique sévère, ce médicament devrait être initié à dose réduite (20 mg) et titrée plus lentement par précaution, à la discrétion du clinicien.
Absorption |
Capsules à libération prolongée Insuffisance hépatique
Child A et B : |
Distribution |
Liaison protéique : 27 % Insuffisance hépatiqueAbsence de données |
Métabolisme |
Métabolisme hépatique extensif Clairance totale (L/h/kg) : 1,3 ± 0,6 Insuffisance hépatique
Stade de la cirrhose non précisé (monographie) :
Child A et B (monographie) : |
Élimination |
t1/2 (h) : 15 ± 6 (représente la demi-vie d’absorption) Élimination rénale (87 % est excrétée dans l’urine, 5 % sous forme inchangée, 29 % sous forme d’ODV non conjuguée, 26 % sous forme d’ODV conjuguée et 27 % sous forme d’autres métabolites inactifs) Insuffisance hépatique
Stade de la cirrhose non précisé :
Child A et B : |
Recommandations de la monographie |
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Étant donné la diminution de la clairance et l’augmentation de la demi-vie d’élimination de la venlafaxine et de la O-déméthylvenlafaxine qui sont observées chez les patients atteints de cirrhose hépatique par rapport aux sujets normaux, il faudrait diminuer d’environ 50 % la dose totale quotidienne administrée en cas d’insuffisance hépatique légère à modérée. Il peut être souhaitable de commencer avec une dose de 37,5 mg/jour. En raison des variations interindividuelles de la clairance chez ces patients, il peut être souhaitable d’individualiser la dose. Comme il existe de grandes variations interindividuelles de la clairance en présence de cirrhose, il peut être nécessaire de réduire la dose de plus de 50 % et souhaitable de l'individualiser dans certains cas. |
Les seules données concernant les altérations pharmacocinétiques de la venlafaxine en présence d’insuffisance hépatique ont été retrouvées dans la monographie du produit. Une étude avec 9 patients souffrant de cirrhose aurait montré une augmentation de la demi-vie de 30 % et une diminution de la clairance de 50 % comparativement aux sujets sains. La sévérité de l’atteinte hépatique n’était cependant pas mentionnée. (Monographie)
Une autre étude mentionnée dans la monographie avait étudié l’effet de l’insuffisance hépatique chez 19 sujets cirrhotiques (8 Child A et 11 Child B) et 21 sujets sains. En présence d’atteinte hépatique légère à modérée, la biodisponibilité était augmenté de 2,3 fois, la demi-vie était doublée et la clairance était réduite de plus de la moitié. Une grande variabilité entre les sujets a été notée dans l’étude. Devant ces résultats, les recommandations de la monographie semblent être appropriée pour les patients souffrant de cirrhose de score Child-Pugh A et B. La venlafaxine devrait être débutée à faible dose (37,5 mg) et la dose de 150 mg ne devrait pas être dépassée. Aucunes données n’ont été retrouvées sur l’utilisation de cet antidépresseur en présence de cirrhose sévère. (Mauri 2014)