médicament | Child A | Child B | Child C |
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Acarbose | Sécuritaire | Sécuritaire | Absence de données |
Diabète
Plusieurs études ont réussi à démontrer que le diabète de type 2 est associée à un risque accru de 2 à 2,5 fois de développement de cirrhose et de décès dus aux maladies chroniques du foie (principalement les maladies du foie gras non-alcooliques (NAFLD). (Elkrief 2016) De plus, l’association entre le diabète et le risque de maladie hépatique (principalement NAFLD) s’est révélée indépendante des autres facteurs de risques du syndrome métabolique (exemple : l’obésité). (Adam 2005)
Le foie est un organe important au maintien de l'homéostasie du glucose. Ainsi, une altération de la fonction hépatique pourrait induire ce que l’on appelle le “diabète hépatogène” (diabète de type 2) et ce, via différents mécanismes, dont la diminution de la clairance de l’insuline (qui mènerait à une résistance des tissus à cette dernière). (Elkrief 2016) À cet effet, on estime que près de 30-50 % des patients cirrhotiques développent une intolérance au glucose et jusqu’à 30 % sont atteints de diabète de type 2. (Jaarfar 2014)
L’efficacité de l’acarbose dans le traitement du diabète de type 2 ne semble pas être affectée par la présence d’atteinte hépatique. Plusieurs études ont étudié l’effet de l’acarbose sur la glycémie en cirrhose et toutes tendent à démontrer une bonne réponse. (Kihara 1997)(Gentile 2001)(Gentile 2005)
Encéphalopathie hépatique
L’une des complications les plus communes engendrée par la cirrhose est l’encéphalopathie hépatique. En effet, jusqu’à 45% des patients cirrhotiques peuvent en être atteints. (Elwir 2017) Dans une étude randomisée contrôlée incluant 107 patients avec cirrhose légère à modérée, l’acarbose à dose de 100 mg par la bouche trois fois par jour en monothérapie s’est révélée efficace dans la réduction des symptômes d’encéphalopathie hépatique et des taux sériques d’ammoniaque. Le score Child-Pugh moyen des patients était également amélioré d’environ 15% par rapport à son niveau de base. (Gentille 2005) Les auteurs justifient cette diminution de l’ammoniaque par un mécanisme similaire à celui du Lactulose, soit via une acidification du côlon. Ceci stimulerait la transformation du NH3 en NH4 (forme non absorbée) en plus d’exercer un effet laxatif (diminution du temps de transit du NH3 et réduction de son absorption) et surtout de promouvoir la croissance des bactéries saccharolytiques au détriment des bactéries protéolytiques (bactéries majoritairement responsables de la production intestinale d’ammoniaque) (Kihara 1997)(Gentile 2001)(2005)
Absorption |
Comprimés à libération régulière (Micromedex)
Dose unique de 200 mg per os (Ahr 1989)
Dose unique de 300 mg per os (Putter, 1980)
Insuffisance hépatiqueAbsence de données |
Distribution |
Micromedex
Dose unique de 100 mg IV (Putter 1980)
Insuffisance hépatiqueAbsence de données |
Métabolisme |
Monographie
Insuffisance hépatiqueAbsence de données |
Élimination |
Micromedex
Élimination rénale (jusqu’à 34 %, sous forme active et inactive)
Insuffisance hépatiqueAbsence de données |
Recommandations de la monographie |
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En cas d’antécédents connus d’insuffisance ou de maladie hépatique, l’utilisation de l’acarbose n’est pas contre-indiquée, mais il est recommandé de doser les enzymes hépatiques avant d’amorcer le traitement et ce, à intervalles réguliers au cours de la première année. En cas de détérioration de l’état clinique ou d’élévations des taux d’enzymes hépatiques, il faut envisager l’arrêt du traitement. |
Aucune étude pharmacocinétique évaluant l’impact de la cirrhose sur l'acarbose n’a été retrouvée dans la littérature. Cependant, le profil d’innocuité du médicament inchangé chez cette population. Effectivement, les effets indésirables les plus fréquemment rapportés chez la population cirrhotique sont similaires à ceux d’une population non cirrhotique, soit principalement des effets gastro-intestinaux. (Gentile 2001)(Gentile 2005)(Kihara 1997)
Une étude clinique randomisée à double aveugle s’est penchée sur l’innocuité de l’acarbose 100 mg 100 mg par la bouche trois fois par jour pendant 28 semaines. L’étude était constituée de 100 patients (52 sous acarbose et 48 sous placebo) atteints d’une cirrhose légère à modérée (52 Child A et 14 Child B) et diabétiques de type 2 sous insulinothérapie (protocole d’insuline prandiale et basale). Les caractéristiques des patients dans les deux groupes étaient très similaires et les effets indésirables étaient compilés à l’aide d’un questionnaire que les patients remplissaient chaque mois. Les symptômes fréquemment rapportés étaient principalement au niveau gastro-intestinal, soit des ballonnements, de la douleur abdominale, des flatulences et de la diarrhée. Quelques cas d’hypoglycémies (glycémie < 2,7 mmol/L) ont été rapportés, mais la différence était non significative. D’autant plus, une diminution des épisodes d’hypoglycémie était rapportée sous traitement avec l’acarbose, étant donné une diminution des besoins en insuline exogène. Par ailleurs, aucun cas d’hypoglycémie sévère (définie comme un épisode où le patient a nécessité l’aide d’autrui ou a présenté une perte de conscience) n’a été rapporté. (Gentile 2001)
Une autre étude randomisée contrôlée a évalué l’innocuité de l’acarbose 100 mg par la bouche trois fois par jour pendant 8 semaines. La population à l’étude comportait cette fois-ci 107 patients avec cirrhose hépatique non alcoolique légère à modérée (93 Child A et 14 Child B), souffrant d’encéphalopathie hépatique (grade 1-2) et de diabète de type 2. La méthode de compilation des effets indésirables et les conclusions de cette étude étaient similaires à celle de l’étude discutée ci-haut. Somme toute, les effets indésirables rapportés étaient les mêmes, aucun cas d’hypoglycémie sévère n’a été rapporté et il n’y a pas eu de différence significative en terme du nombre d'épisodes d’hypoglycémie rapportés sous acarbose par rapport au placebo (acarbose : 7,4 +/- 4 épisode /semaine; placebo : 7,6 +/- 3,8 épisode/semaine; P non significatif). (Gentile 2005)
Une troisième étude incluant seulement 20 patients (7 cirrhotiques, dont 1 Child Pugh C) atteints de maladie hépatique chronique et traitées avec de l’acarbose 100 mg par la bouche trois fois par jour en est arrivé encore une fois à la même conclusion quant aux effets indésirables les plus fréquents, soit principalement de l’intolérance gastro-intestinale. Par contre, les chercheurs ont observé une augmentation asymptomatique, mais significative du taux d’ammoniaque chez 2 patients cirrhotiques (Child Pugh non mentionné). Les valeurs se sont cependant normalisées malgré la poursuite de l’acarbose chez le premier patient, alors que le deuxième a nécessité un arrêt de l’acarbose et une initiation de lactulose. De plus, on a aussi observé une augmentation des enzymes hépatiques (AST/ALT) chez 3 patients cirrhotiques (Child Pugh non mentionné), cette élévation a été irréversible chez 2 de ces patients ce qui porte à croire que cela est plus probablement dû à l’évolution de leur cirrhose plutôt qu’à l’introduction de l’acarbose. Le troisième patient quant à lui a vu ses enzymes revenir à des valeurs normales en 12 semaines malgré la poursuite du traitement.
Le profil d’innocuité de l’acarbose semble très rassurant chez la population cirrhotique. Cependant, la tolérance de l’acarbose combinée avec le lactulose n’a pas été étudiée.
En ce qui a trait au potentiel hépatotoxique de l’acarbose, il semblerait que le risque d’atteinte hépatique (qui se traduisait dans la majorité des cas par une augmentation asymptomatique et réversible des ALT/AST) associée à l’acarbose soit plus fréquente lorsque les doses sont supérieures à 300 mg par jour. Aux doses usuelles, elle semble très sécuritaire. (Zhang 2016)(Gentile 1999)(Cornif 1995) De plus, la présence d’un effet dose-dépendant, la faible biodisponibilité et l’absence de métabolisme hépatique du médicament sont rassurants. D’ailleurs, deux études citées plus haut (Gentile 2001 et Gentile 2005) qui ont traité de l’innocuité du médicament chez une population cirrohtique n’ont rapporté aucune atteinte de la fonction hépatique avec des doses d’acarbose de 100 mg par la bouche trois fois par jour.
Ainsi, l’utilisation de l’acarbose chez la population avec cirrhose légère à modérée semble sécuritaire. Le profil pharmacocinétique de la molécule permet également d’anticiper que la cirrhose ne devrait pas avoir d’impact significatif. Par contre, aucune donnée de qualité traitant de l’innocuité du médicament chez les patients avec cirrhose avancée (Child-Pugh C) n’ a été retrouvée dans la littérature. En présence de cirrhose sévère, son usage est donc laissé à la discrétion du clinicien et doit être entrepris avec précaution.