médicament | Child A | Child B | Child C |
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Acide valproïque | Utiliser avec précaution, initier à faible dose et titrer lentement | Absence de données | Absence de données |
Encéphalopathie hépatique
L’utilisation de l’acide valproïque (AVP) peut provoquer une élévation des taux sériques d’ammoniac (rapportée même chez les patients avec des tests de fonction hépatique normaux). (Monographie Depakene) En pratique, deux tableaux cliniques sont reconnus, soit l’hyperammoniémie induite par AVP (asymptomatique) et l’encéphalopathie hyperammoniémique induite par AVP. L’augmentation de l’ammoniac sérique est un effet fréquent de l’AVP, observé dans plus de 50% des patients sous traitement. Les patients atteints ne présenteront toutefois pas de symptômes et ce phénomène n’a pas été associé aux concentrations sériques d’AVP. (Agarwal 2009) Certains facteurs de risque notables sont les désordres du cycle de l’urée, la déficience en carnitine héréditaire ou diététique, la polypharmacie et un faible statut nutritionnel. L’encéphalopathie induite par l’AVP, quant à elle, se manifeste par une atteinte neurologique peu spécifique pouvant provoquer divers symptômes, notamment l’ataxie, la léthargie, une aggravation des convulsions, des signes neurologiques unilatéraux ou bilatéraux, un ralentissement psychomoteur ou de la confusion. La progression jusqu’au coma a même été rapportée. (Duarte 1993) Ce désordre peut également survenir lorsque les taux d’ammoniac sérique sont normaux, car les concentrations extravasculaires d’ammoniac au niveau cérébral peuvent être élevées. L’AVP à haute dose peut également contribuer à la toxicité neurologique. L’encéphalopathie induite par l’AVP peut être aiguë, par exemple lorsqu’un patient est en état hypercatabolique, ou bien elle peut être chronique. Il est donc important d’être vigilant à la survenue de cet effet indésirable afin de ne pas le confondre à tort pour une décompensation de l’état sous-jacent bipolaire ou épileptique. (Lewis 2012)(Raja 2002)(Mehndiratta 2008) Chez la population cirrhotique, cet effet peut être significatif, car certains patients développeront de l’encéphalopathie hépatique, une complication neurologique qui serait associée à l’accumulation de certaines toxines (notamment l’ammoniac). (Tsochatzis 2014) L’AVP pourrait donc contribuer au développement ou provoquer des épisodes de ce désordre du système nerveux central. En présence d’un antécédent d’encéphalopathie hépatique, il serait préférable d’éviter l’utilisation d’AVP.
Coagulopathie
L’AVP a également été associée à des coagulopathies, notamment l’apparition de thrombocytopénie, d’hypofibrinogénémie et d’une baisse des facteurs de coagulation. Les patients cirrhotiques peuvent déjà souffrir de désordres de la coagulation. Il serait préférable d’éviter l’utilisation de l’AVP dans ces cas. (Monographie Depakene)
Hépatotoxicité
L’hépatotoxicité est un effet indésirable bien connu et redouté de l’acide valproïque. Cette molécule est la troisième cause la plus fréquente de décès relié à des injures hépatiques médicamenteuses. (WHO 2006) (Ahmed 2006) (Vidaurre 2017) Ces réactions demeurent cependant rare chez la population adulte. Les facteurs de risque associés à l’hépatotoxicité sont un jeune âge, un retard mental, un antécédent de désordre métabolique, la polypharmacie, un stress (par exemple une infection) et une maladie hépatique sous-jacente. (Ahmed 2006) Les risques et les bénéfices doivent être soigneusement considérés avant de débuter l’acide valproïque chez un patients atteint d’insuffisance hépatique.
Absorption |
Capsules (monographie) :
Dose unique de 450 mg per os de la solution d’acide valproïque (Klotz 1978)
Insuffisance hépatique
Dose unique de 450 mg per os de la solution d’acide valproïque (Klotz 1978)
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Distribution |
Monographie
Dose unique de 450 mg per os de la solution d’acide valproïque (Klotz 1978)
Insuffisance hépatique
Dose unique de 450 mg per os de la solution d’acide valproïque (Klotz 1978)
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Métabolisme |
Métabolisme hépatique extensif (Asconapé 2014)
Insuffisance hépatiqueAbsence de données |
Élimination |
Dose unique de 450 mg per os de la solution d’acide valproïque (Klotz 1978)
Élimination rénale (1 à 3 % sous forme inchangée, 30 à 50 % sous forme de glycoconjuguée) Insuffisance hépatique
Dose unique de 450 mg per os de la solution d’acide valproïque (Klotz 1978)
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Recommandations de la monographie |
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L’emploi de l’acide valproïque est contre-indiqué en présence d’une atteinte ou d’une dysfonction hépatique importante. |
Dans l’étude de Klotz et collaborateurs, une dose de 450 mg de la solution d’acide valproïque a été administrée à 7 patients atteints d’une cirrhose alcoolique ainsi qu’à 4 patients ayant récupéré d’une hépatite aiguë. Le but de l’étude était d’évaluer l’impact de la maladie hépatique sur la pharmacocinétique de cette molécule. Le score Child-Pugh n’était pas rapporté chez les sujets recrutés dans l’étude, mais certains détails étaient disponibles (notamment les taux de bilirubine et d’albumine ainsi que 4 patients sur les 7 cirrhotiques présentaient de l’ascite). Les patients cirrhotiques semblaient avoir une atteinte légère selon ces paramètres (Child-Pugh A). Les résultats étaient comparés à des données historiques obtenues chez 6 sujets sains. La biodisponibilité était de 100 % chez les cirrhotiques (comme chez les patients sains). La concentration maximale était de 26 à 57 µg/mL et était atteinte après 0,5 à 2 heures. Les auteurs ne rapportaient pas ces données pour les sujets sains, mais mentionnent que le Tmax était similaire et que la Cmax était diminuée en présence de cirrhose. La demi-vie d’élimination était prolongée en présence d’insuffisance hépatique comparativement aux sujets sains (18,9 ± 5,1 h comparativement à 12,1 ± 3,7 h). La liaison aux protéines plasmatiques était plus basse chez les cirrhotiques (70,7 ± 11,3 % comparativement à 88,7 ± 5,2 % chez les sujets sains). Le volume de distribution était augmenté en présence de cirrhose (0,22 ± 0,09 L/kg comparativement à 0,14 ± 0,05 L/kg). Il n’y avait pas de différence pour la clairance plasmatique totale. Cependant, la clairance plasmatique de l’acide valproïque libre était significativement réduite (38,5 ± 25,7 mL/min comparativement à 77,4 ± 32,5 mL/min). Il n’y avait pas de différence pour la mesure d’acide valproïque inchangée dans la collecte urinaire. Les auteurs concluent que l’élimination de cette molécule est légèrement réduite en présence de maladie hépatique, notamment par la diminution de la liaison aux protéines plasmatiques. Ils assument que l’acide valproïque ne devrait pas s'accumuler et atteindre des seuils toxiques en présence de cirrhose. (Klotz 1978)
La monographie américaine de l’acide valproïque rapporte que la fraction libre du médicament est significativement augmentée (de 2 à 2,6 fois la normale) chez les patients souffrant d’une maladie hépatique. La mesure de la concentration totale d’acide valproïque pourrait donc être trompeuse (la molécule libre est responsable des effets thérapeutiques et indésirables). (Monographie Depakene)
Shirkey et collaborateur ont pour leur part étudié le rôle des globules rouges dans la captation d’acide valproïque lors de variations de la liaison aux protéines plasmatiques. Peu de détails étaient fournis (dose administrée, degré de cirrhose, etc.), mais les auteurs rapportent que 9 patients avec cirrhose alcoolique étaient inclus. Selon les données de laboratoires récoltées, soit un taux de bilirubine moyen de 34 ± 9 µmol/L et une taux d’albumine moyen de 29,4 ± 1,7 g/L, il est plus probable que le stade de cirrhose des patients inclus était léger à modéré. Bien que les paramètres pharmacocinétiques majeurs n’aie pas été mesurés, les auteurs ont pu démontrer qu’en cirrhose, la liaison aux protéines plasmatiques était réduite. Cette diminution de la liaison se traduisait par une augmentation plus faible que anticipée des concentrations libres d’acide valproïque et cela s’expliquait par une plus grande captation de l’acide valproïque par les globules rouges. Ainsi, les auteurs concluent que lorsque la proportion d’acide valproïque liée aux protéines plasmatique diminue (que ce soit en contexte de cirrhose, d’insuffisance rénale ou en raison d’une augmentation des doses), une plus grande proportion de la fraction libre se redistribue dans les érythrocytes. Cela implique donc que les dosages d’acide valproïque effectués sur des échantillons plasmatiques seront anormalement abaissés et que les dosages d’acide valproïque libre seraient à privilégier, afin d’éviter de sous-estimer l’exposition à la molécule. (Shirkey 1985)
Ainsi, peu de données sont disponibles concernant l’utilisation de l’acide valproïque en présence d’insuffisance hépatique. L’utilisation de cette molécule pourrait être considérée en présence de cirrhose légère (score Child-Pugh A) en débutant à faible dose et en titrant lentement. Il faudrait cependant éviter d’utiliser l’acide valproïque chez les patients présentant ou ayant déjà eu certaines complications de leur cirrhose (hypoalbuminémie, encéphalopathie hépatique, coagulopathie). Les dosages plasmatiques de cette molécule sont habituellement utilisés afin d’ajuster la dose selon la condition du patient. Lorsque le patient présente une hypoalbuminémie, il faut interpréter le dosage avec précaution, car il risque de sous-estimer l’exposition réelle à la molécule. Si possible, demander au biochimiste si un dosage d’acide valproïque libre est disponible à votre centre. Un suivi régulier des test de fonction hépatique devrait être effectué. Le dosage de l’ammoniaque sérique est à la discrétion du clinicien. En présence de cirrhose modérée à sévère, nous devons considérer une absence de données. Cependant, nous jugeons que son utilisation serait non recommandée dans ce contexte, étant donné l’altération de la distribution de la molécule et le retard dans son élimination. De plus, les effets indésirables potentiels en font un choix encore moins intéressant.