médicament | Child A | Child B | Child C |
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Acétaminophène | Si utilisé régulièrement à long terme, utiliser 2 à 3 g par jour. | Si utilisé régulièrement à long terme, utiliser 2 à 3 g par jour. | Privilégier l’utilisation de faibles doses (2 à 3 g par jour) pour une courte durée par précaution |
L’utilisation de l’acétaminophène est fréquemment limitée chez les patients cirrhotiques en raison des risques d’hépatotoxicité redoutés ainsi que par l’impression que cette population y est davantage prédisposée. Toutefois, il est important d’être conscient que l’hépatotoxicité induite par l’acétaminophène est liée à la formation de N-acétyl-p-benzoquinone (NAPQI) via le CYP P450 2E1 et à son accumulation. De plus, aussi peu que 5 % d’une dose d’acétaminophène est transformée via cette voie métabolique. Le NAPQI, en situation normale, est subséquemment inactivé par le glutathion se trouvant dans les hépatocytes. Lors d’une surdose en acétaminophène, que ce soit en contexte aigu ou chronique, les réserves en glutathion sont rapidement épuisées et l’accumulation de NAPQI mène à la nécrose hépatocellulaire. (Hayward, 2016)(Chandok, 2010)
L’activité du CYP2E1 est relativement préservée en insuffisance hépatique et la proportion de la molécule qui est métabolisée par cette voie n’augmente pas chez les cirrhotiques. (Dwyer 2014) Une étude a même conclu que l’activité de ce cytochrome était réduite de 59 % en cirrhose (Child B ou C), suggérant une diminution potentielle de la formation de NAPQI. (Hayward 2016, Benson 2005) En présence de maladie hépatique, les patients ne seraient donc pas exposés davantage à ce métabolite toxique. (Hayward 2016, Chandok 2010) De plus, les réserves de glutathion chez les patients cirrhotiques sont habituellement suffisantes pour éviter l’hépatotoxicité. Cependant, la malnutrition ou l’alcoolisme chronique sont des facteurs de risque de déficience en glutathion. De plus, il est important de souligner que l’utilisation chronique d’alcool induit l’activité du CYP2E1 et peut donc augmenter la formation de NAPQI. Il faut également souligner que les réactions de glucuronidation, voie de métabolisme majeur de l’acétaminophène, sont moins affectées que les réactions enzymatiques de type I chez les cirrhotiques. (Dwyer, 2014)
Ainsi, l’acétaminophène reste l’analgésique de choix chez les patients cirrhotiques, notamment car il ne comporte pas de risque de somnolence ou de néphrotoxicité, contrairement aux opiacés et aux anti-inflammatoires non-stéroïdiens respectivement. (Dwyer, 2014)
Absorption |
Biodisponibilité : 85-98 %
Libération immédiate
Libération prolongée ASC0-6 : 38,8 ± 4,3 mg·h/L (Zapater 2004) Insuffisance hépatique
ASC0-6: 67,4 ± 22,4 mg·h/L |
Distribution |
Fraction liée : 10-25 % Insuffisance hépatiqueVolume de distribution : 50,6 ± 17,7 L |
Métabolisme | Métabolisé majoritairement par le foie Voie métabolique :
Métabolites actifs : aucun Métabolites toxiques: NAPQI (hépatotoxique), rapidement inactivé par le glutathion Métabolites inactifs:
Insuffisance hépatiqueFraction similaire de métabolites dans l’urine |
Élimination |
Demi-vie (h) : 2 à 3
Élimination rénale: 85 % (< 5 % inchangée)
Insuffisance hépatique
Demi-vie est doublé en cirrhose |
Recommandations de la monographie |
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Envisager une réduction de la posologie chez les patients souffrant d’insuffisance hépatique. L’acétaminophène est contre-indiqué chez les patients souffrant d’insuffisance hépatique ou d’hépatopathie graves. |
Dans l’étude de Zapater et collaborateurs, 7 sujets sains et 14 patients cirrhotiques (3 Child A, 6 Child B et 5 Child C) ont reçu une dose d’acétaminophène de 1000 mg par la bouche. Chez les patients cirrhotiques, l’ASC moyenne était augmentée comparativement aux patients sains (67,4 ± 22,4 mg x h/L vs. 38,8 ± 4,3 mg x h/L; p = 0,01). On observait également une clairance totale diminuée (166,7 ± 5,0 mL/min vs. 367,8 ± 62,5 mL/min; p = 0,01) et un t1/2 augmenté (3,8 ± 1,1 h vs. 2,0 ± 0,4 h; p = 0,01). L’ASC, la clairance et le t1/2 étaient similaires entre les Child A, B et C. La Cmax et le Vd étaient aussi similaires entre les sujets. Les ASC0-6 moyens pour les métabolites conjugués étaient similaires pour tous les sujets. L’absorption était plus rapide dans le sous-groupe de patients présentant des varices oesophagiennes, ce qui peut s’expliquer par une réduction de l’effet de premier passage hépatique. (Zapater, 2004)
Dans l’étude pilote de Benson et collaborateurs, 6 sujets avec maladie hépatique chronique (score Child non précisé) ont reçu de l’acétaminophène à raison de 4 g par jour (1 g par la bouche aux 6 heures) durant 5 jours. Le t1/2 moyen était de 3,42 heures, sans toutefois démontrer d’accumulation de la molécule ou d’hépatotoxicité augmentée. Dans une seconde étude, 20 sujets cirrhotiques (degré non précisé) ont reçu 4 g d’acétaminophène par jour durant 13 jours. Le traitement était bien toléré. Un patient a présenté un épisode de détérioration de sa fonction hépatique, mais a bien toléré la molécule après un rechallenge. Aucun autre patient dans le groupe n’a présenté d’anomalie du bilan hépatique. (Benson, 1983)
Bien que le t1/2 semble être augmenté en présence de cirrhose (comparativement à des sujets sains), il ne semble pas y avoir d’accumulation de la molécule ou d’augmentation du risque d’hépatotoxicité. La dose normale (4 g par jour) pourrait être recommandée pour une courte période de temps chez cette population. Si une utilisation prolongée est requise, une dose de 2 à 3 g par jour serait à privilégier. (Imani, 2014)(Chandok, 2010)(Bolikovska, 2012)(Rakoski, 2018) En présence de facteurs de risque associés à l’hépatotoxicité de l’acétaminophène tel que la malnutrition, l’alcoolisme ou l’utilisation d’isoniazide, une dose conservatrice de 2 g par jour ou moins devrait être privilégiée. (Imani, 2014)(Chandok, 2010)
En cas de cirrhose sévère (Child C), bien que les paramètres de pharmacocinétiques ne soient pas vraiment plus perturbés qu’en présence de cirrhose légère à modérée, peu de patients ont été évalués (N=5). Par précaution, nous suggérons d’utiliser des doses conservatrices pendant une courte durée. (Zapater, 2004)